LE PONT DE
LEZARDRIEUX La construction d'un
pont à Lézardrieux va rencontrer des oppositions similaires à celle du pont
Canada à Tréguier. En Mai 1833 le Sieur Ozou propose de construire un second
pont à la place du passage du Goélo. Le Directeur Général des Ponts et Chaussées
invite le Préfet à y donner suite et à engager les procédures réglementaires.
La Ville de Paimpol fait savoir qu'elle est défavorisée par le nouveau pont
de Tréguier et souhaite que les liaisons avec la presqu’île soient améliorées
afin de favoriser l'écoulement des produits agricoles vers le marché de
Paimpol. Dès la connaissance du projet du "spéculateur Ozou", comme
l'indiquent plusieurs délibérations de Conseils Municipaux, le Conseil
Municipal de Pontrieux va orchestrer une véritable campagne contre le projet
en diffusant auprès de toutes les communes concernées un document imprimé
contenant tous les arguments possibles et imaginables pour justifier de
renoncer à ce pont suspendu qui serait de nature, selon lui, à contrarier le
trafic maritime. Les Conseils Municipaux de Paimpol et de Lézardrieux
délibèrent le même jour, le 8 mai 1833 pour approuver le projet et mettent en
avant ses mérites tant pour la sécurité des usagers, compte tenu des
accidents récents intervenus lors de traversées du Trieux, que les impératifs
militaires(une liaison côtière par la route entre les ports de Brest et
Saint-Malo.Face à ces mouvements d'hostilité le Préfet décide de mettre en
place une commission spéciale constituée d'un Conseiller Général, de deux
Conseillers d'Arrondissement, de deux capitaines de la marine de commerce et
de quatre négociants-armateurs. Elle est réunie les 23 et 24
Septembre 1833 en présence des Maires de Lézardrieux et Pontrieux et, après
avoir pris connaissance de tous les arguments, des avis de spécialistes de la
navigation sur le Trieux et s'être rendue en place, reconnaît l'utilité
du pont suspendu et préconise que le tablier soit établi à soixante-dix
pieds au-dessus de la ligne de basse mer des grandes marées ordinaires,
ce qui est suffisant pour ménager une navigation importante jusqu'à Pontrieux
à des bricks de 200 tonneaux disposant d'un mat de perroquet de 68 pieds. L'enquête
publique prévue du 20 octobre au 10 Novembre est prolongée jusqu'au 8
Décembre, puis jusqu'au jour où l'ordonnance de convocation du Conseil
Général sera parvenue dans le Département. Le Préfet s'est en effet aperçu
que le Conseil Général n’a pu se prononcer alors que le pont est situé sur
une route départementale et, de plus, intéresse plusieurs cantons. La
construction du pont peut être engagée après cette formalité (session de
Juillet 1834 ), Une Ordonnance du Roi Louis -Philippe en date du 23 Mai 1836
autorise la construction du pont suspendu sur la route départementale n°1 de
Saint-Brieuc à Morlaix pour remplacer le bac du Goëlo.La construction et
l'entretien de l'ouvrage seront assurés par une subvention de l'Etat de 40
000 Francs et l'institution d'un péage qui sera perçu par le concessionnaire
du pont qui sera retenu après adjudication au rabais sur la durée de la
concession. Afin de ne pas perturber le trafic maritime jusqu'au port de
Pontrieux le pont est finalement construit avec un tirant d'air de 32 mètres
au-dessus du niveau des basses mers ordinaires et 17 mètres au-dessus des
plus hautes eaux lors des marées d'équinoxe. Afin de compenser le surcoût des
travaux nécessités par ces exigences le promoteur du projet demande la
suppression des bacs de Bodic et de Toul an Houillet trop rapprochés du futur
pont, ce à quoi s'opposent les municipalités concernées. Le coût de l'ouvrage
est évalué à 270 000 F; l'adjudication a lieu le 6 août 1836 et la concession
est adjugée pour 26 ans à la Société des Frères Séguin, associée au Sieur
Ozou qui par la suite se sépareront. Les pierres des fondations sont
extraites à Bréhat et à l’île Morville (Pleumeur-Bodou).Le projet subi des
modifications, la portée passe de 120 à 150 mètres, les travées en maçonnerie
ne comportent plus que deux arches au lieu de trois initialement. La
suspension est assurée par six câbles composés chacun de 304 brins en fer. Le
tablier large de 4,20 m entre garde -corps, est retenu par des tiges
verticales espacées d'1, 20 m. Le 10 Août 1840 le pont est réceptionné est
ouvert à la circulation. En Février 1882 la circulation des véhicules
de plus de 4 tonnes de poids total en charge est interdite ainsi que les
voitures attelées de plus de trois chevaux. En Août de la même année l'ensemble
de la suspension est remplacé preuve d'une fatigue de l'ouvrage. Le 5 Août
1896 la circulation est interdite car le Président de la République, Félix
Faure, débarqué à Lézardrieux emprunte le pont pour se rendre à Paimpol.
Photographies du chantier du viaduc de Lézardrieux en 1924-1925. |