L A   C O R V E E    E N   B R E T A G N E


La corvée royale des grands chemins fut généralisée en 1738 par Orry, Contrôleur Général des Finances, pour permettre la construction des routes, faute pour le régime de disposer des fonds suffisants pour payer les travaux([1]). A cette époque outre les dépenses de la Cour, le budget sert à financer essentiellement des guerres. Cette réquisition des populations rurales est organisée par les Intendants dans les provinces du royaume. Elle s'applique uniquement aux habitants des paroisses situées à moins de deux lieues de la route ([2]. Les Ingénieurs des Ponts et Chaussées, chargés de construire le réseau routier ont pour tâche de mobiliser cette main d’œuvre. Les piqueurs, ancêtres des conducteurs de travaux sont responsables de la surveillance des travaux et du respect du règlement. Les corvoyeurs sont encadrés au niveau des paroisses par  des députés(un pour soixante corvoyeurs), eux-mêmes encadrés par des syndics choisis parmi les notables exemptés de la corvée, et se situant ainsi entre d'un coté les ingénieurs, de l'autre les syndics et les corvoyeurs dont ils doivent signaler les défaillants. Hormis pendant les semailles et les moissons, tous les hommes valides de 18 à 50 ans devaient fournir deux journées de travail gratuites pendant dix mois, véritable impôt en nature dont les nobles et le clergé étaient exemptés.


 LES BORNES DE CORVEE


 LA REPARTITION DES TACHES DE CORVEE ENTRE LES PAROISSES

 

Afin d'être concret, examinons le cas du grand chemin de Guingamp à Lannion.L'entretien de cette route incombait à 20 paroisses distantes de la route d'un quart de lieue(un kilomètre) à deux lieues et demies(10 kilomètres.) La répartition des tâches est établie selon les impositions de chaque paroisse à la capitation, ce qui introduit une certaine péréquation entre les collectivités. L'examen des documents montre que les paroisses de Ploubezre(1760 toises), Pluzunet(1716 toises), Prat(1615 toises) ainsi que Tonquédec(1260 toises) se détachent nettement pour le montant de leur "taxation". A contrario Mantallot (68 toises), Lanvézéac (89 toises) participent pour une faible part aux travaux de corvée. Les plus imposées sont parfois des communes qui se trouvent très loin de la route, obligeant de plus les corvoyeurs à de longs périples à pied dans les campagnes dépourvues de chemins.

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 LES DIFFICULTES DE MISE EN OEUVRE DE LA CORVEE

 

   Les corvoyeurs s'acquittent de leurs tâches avec lenteur, négligence, refusent de se déplacer, ou abandonnent les chantiers avant la fin des travaux. Certaines paroisses ne fournissent pas le nombre de bras prescrit. Ainsi en juin 1736,une centaine de paroissiens de Ploumagoar chargés des réparations du chemin de Pont-Auffrait à Pontrieux manquent à l'appel([3]. Parfois des actes de violences sont commis à l'encontre des piqueurs et des députés, actes lourdement punis par l'Intendant.Des exemptions en tout genre permettent à quelques catégories socioprofessionnelles(dirions-nous aujourd'hui) d'échapper à la corvée. Les privilégiés, écclésiastiques, nobles ainsi que leurs domestiques en sont bien évidemment exclus d'office. Certaines professions, comme les matelots qui ne résident pas chez eux plus de trois mois entre deux armements, les distributeurs de poudres et de salpêtre, les gardes-étalons, etc bénéficient d'exemptions. Inévitablement des petits malins s'empressent d'acheter un vieux cheval dont personne ne veut comme étalon, mais qu'importe l'essentiel est d'échapper à la réquisition..

L'ordonnance du 12 février 1751 rédigée par Pontcarré de Viarmes contient l'énumération des griefs dont les corvoyeurs sont coupables."Le Général de chaque paroisse nommant un trop grand nombre de Députés, et souvent pour en remplir les fonctions les personnes les plus grossières et les moins intelligentes; Que les Trésoriers en charge et les Députés, de concert les uns avec les autres, ne comprennent dans le Rolle général(la liste des corvoyeurs) leurs parents et leurs amis, quoique contribuables à la corvée; Les Députés refusent d'instruire et négligent de faire travailler les Corvoyeurs pendant l'absence du Piqueur, sous prétexte que ce dernier ne leur a pas expliqué ce qu'ils doivent faire.etc"([4].)Poncarré de Viarmes conclut que tous les inconvénients qu'il vient d'énumérer causent la destruction des chemins au fur et à mesure de leur construction, et apportent une lenteur extrême à l'avancement des ouvrages qui restent à faire. Il ordonne néanmoins la reprise des travaux de corvée le 15 mars 1751  et invitent les corvoyeurs à se rendre à leurs ateliers sur les chemins dès le premier avis qu'ils recevront du sieur Chocat de Grandmaison, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.Vingt-huit articles, sur trente-cinq, de son ordonnance sont consacrés à réglementer la corvée. Une des difficultés consiste à constituer des bandes de corvoyeurs appelés à travailler ensemble sur le même chemin. Les Députés ont mission de regrouper les gens du même village de façon à ce qu'ils se déplacent  ensemble  et arrivent à la même heure sur leur atelier(Art 17.Cependant tous les corvoyeurs ne sont pas taxés d'une égale quantité de labeur. Ainsi ceux qui ne payent que vingt sols de capitation doivent une journée de travail, alors que ceux qui sont imposés de dix livres seront présents dix jours sur le chantier(Art 18.Le nombre de corvoyeurs varie ainsi tous les jours, ce qui nécessite un encadrement et un contrôle extrêmement bureaucratique (l'appel a lieu le matin, et après les heures de repas)dont les Députés doivent rendre compte aux ingénieurs. (Art 29.Enfin mentionnons qu'il existe des corvoyeurs de bras qui exécutent les travaux de terrassements et d'empierrement et des corvoyeurs de harnois chargés du transport des matériaux, ces derniers étant de plus sujets aux même travaux que les autres, à l'exception néanmoins de la façon des empierrements, de l'arrangement et régalement des sables dont ils seront dispensés. (Art 27.

En 1754,le Duc d'Aiguillon entreprend de réformer la corvée en Bretagne, ayant constaté l’inefficacité des règles en vigueur. L'ordonnance de 1754  soumet à la corvée les propriétaires des villes et des campagnes au prorata des impôts payés(la capitation) ou des revenus tirés des terres qu'ils font labourer, mesure d'équité qui introduit un début d'égalité entre les bourgeois des villes et les paysans. Les corvoyeurs ne pourront être employés en octobre, novembre et jusqu'à la mi-Décembre qu'à tirer des pierres et  du sable et à casser à la masse toutes les pierres non destinées à la constitution des bordures et des assises des chaussées(elles doivent être réduites à la taille d'un oeuf!).Au Printemps les corvoyeurs sont chargés de creuser les fossés, de recharger les banquettes, aplanir les chemins, rapporter les terres de remblais, disposer les assises en pierre des chaussées. Ils doivent procéder au recharge et aux empierrements pendant les mois d'avril et mai de façon à ce ces travaux soient terminés impérativement avant le 15 Juillet.Ceux qui auront reçu dans leur tâche une mauvaise partie de chemin à entretenir n'auront pas la même quantité de travail à fournir par rapport à ceux mieux lotis. Par ailleurs des mesures coercitives sont maintenues; les corvoyeurs qui par désobéissance ou mauvaise volonté ont abandonné leur tâche sont sommés de reprendre le travail sous peine d'être dans l'obligation de payer les ouvriers qui seront chargés des travaux à leur place et missionnés par les inspecteurs. Les héritiers d'un corvoyeur  qui a laissé du bien et dont la tâche n'est pas achevée sont tenus de remplir les obligations du défunt. Les députés qui ne communiquent pas dans les délais la liste des corvoyeurs([5]), ou qui sont en retard dans l'avancement des travaux, sont condamnés à des amendes de 12 Livres, c'est ce qui arrive en 1786 aux députés des paroisses de Plounevez-Moédec et de Plouaret([6]. L'année précédente, le 29 décembre 1785,les commissaires des Etats inspectent à Belle-Isle en Terre le chantier de la route de Guingamp au Ponthou en présence de l'Ingénieur et constate que les cordons de pierre nécessaires à l'entretien de la route ne sont pas établis selon les règles de l'art(un prisme de 4 pieds de largeur sur chacune des trois faces. La liste des corvoyeurs défaillants leur est communiquée; dix-huit de la paroisse de Plounévez-Moédec et quarante-deux de Plouaret manquent à l'appel. Il est noté que les trois habitants les plus riches de cette paroisse n'ont pas tiré une seule pierre dans le courant de l'année qui s'achève([7]. De son coté le recteur de la Paroisse de Créhen fait part aux commissaires des Etats dans une lettre datée du 6 avril 1788 de la mauvaise répartition du travail entre corvoyeurs sur la route de Drouet à Plancoet, les Syndics ayant fait prévaloir des considérations d'ordre familial pour exonérer certains habitants ou leur confier le travail le plus facile. ([8])

Les travaux publics ont toujours été dangereux, surtout pour les manœuvres ! Monsieur de Crésolles ,Commissaire des Etats,en rendant compte de l'utilisation de la somme allouée aux travaux sur les routes de Perros et de Morlaix en 1788 indique qu'une part a été consacrée au déblaiement de la carrière affectée aux paroisses de Saint-Quay-Perros et de Louannec afin d'éviter à l'avenir les éboulements qui ont coûté la vie à quatre hommes et estropié deux autres quelques mois auparavant.([9])

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LE MAINTIEN DE LA CORVEE EN BRETAGNE

 

Dès le 18 février 1785,les commissaires des Etats de Bretagne ,désormais seuls responsables de l'Administration des chemins, établissent un mandement relatif aux mesures à prendre vis à vis des corvoyeurs.Ils ne manquent pas de faire savoir"que dans la mesure du possible ou autant que les circonstances le permettront ils s'attacheront à soulager la corvée"([10]. Néanmoins le texte qui est adressé aux syndics, marguilliers, habitants des paroisses constituent en fait un nouveau règlement de la corvée en Bretagne."Les vues de bienfaisance des Etats deviendront infructueuses si les corvoyeurs ne remplissent pas avec zèle leurs obligations; Il importe d'autant plus aux corvoyeurs de concourir au succès de ce plan, que d'un coté, le rétablissement des grands chemins, en facilitant le transport, deviendra pour les campagnes un avantage réel et que d'un autre coté les corvoyeurs négligens, ou mutins, continueront d'être punis."

Les travaux de la corvée sur les grands chemins sont ainsi repris et continués selon les dispositions de l'Ordonnance de 1757 établie par le Duc d'Aiguillon et sous la responsabilité des Ingénieurs de chaque département.Ceux-ci sont chargés de recueillir la liste des défaillants et des mutins."Le maintien des exemptions est pérennisé et il est demandé de ne faire jouir de l'exemption des travaux de la Corvée que les seuls habitants, qui ayant constaté de leur privilège,n'y dérogeront par aucun mélange de profession.Le mandement sera lu et publié à l'issue des grand'messes paroissiales à ce que personne n'en prétende cause d'ignorance."

   Ainsi la liberté donnée aux Etats de Bretagne de gérer et de développer le réseau routier s’accommode avec la perpétuation du système de la corvée, particulièrement honnie par la population des campagnes. Une nouvelle instruction pour les travaux de la corvée pour la réparation des grandes routes de la province est élaborée.Plusieurs articles se réfèrent à l'ordonnance du 5 novembre 1754 du Duc d'Aiguillon.Outre des dispositions d'ordre technique concernant la façon de réaliser les fossés, les empierrements, les banquettes ou accottements,ainsi que les cordons de pierre, le dernier paragraphe est consacré aux punitions à l'encontre des corvoyeurs mutins ou défaillants qui mérite d'être reproduit intégralement;"La Commission fait très expresses défenses aux corvoyeurs d'insulter ou malmener leurs syndics et députés, à peine de prison, et même de plus grande peine s'il y échet.Il sera, au surplus, pourvu sur les ordres de la Commission, à la confection des tâches des défaillants, soit par voie de marchés publics au rabais, aux frais desdits défaillants, soit par la voie des contraintes établies en pareil cas, et elle charge les syndics et députés d'en prévenir, dès la reprise des travaux, tous les corvoyeurs, afin qu'ils ne puissent imputer qu'à eux-mêmes les peines qui seront prononcés contr'eux."Les Députés et Syndics ont mission de participer activement à la délation des "mauvais " corvoyeurs .


LE SOULAGEMENT DE LA CORVEE

 

Les Etats feront néanmoins un geste pour soulager la corvée.Sur le fonds des Grands Chemins ils affectent de temps en temps une somme pour alléger les tâches( 200 000 livres en 1740,100 000 en 1760, 200 000 à nouveau en 1782) ([11]).En 1786-87 les Etats votent une augmentation de dix sols par pot d'eau de vie et de liqueur sur les droits des débits de boisson de la province.Les recettes de cette nouvelle taxe sur l'alcool sont affectées aux travaux sur les chemins et répartis à raison d'un dixième pour les endroits les plus dispendieux, le reste étant attribué au prorata du linéaire de voirie de chaque évèché.Les Etats en espéraient 500 000 Livres, en l'an 1787 la taxe rapporte seulement 77 213 Livres ,l’évêché de Tréguier(62 lieues et 1/2 de chemins) reçoit 5073 Livres, celui de Saint-Brieuc(67 lieues) 5439 Livres, celui de Saint-Malo(110 lieues) 8930 Livres.Les commissaires des Etats  notifient à l'Ingénieur Anfray (fils) les travaux à réaliser dans la partie de son département relevant de l'évêché de Saint-Malo.Ainsi la paroisse de Saint-Samson se voit allégée de 200 toises de chemin à réparer sur la route de Dinan à Jugon;Celle de Pleurtuit de la réparation de l'aqueduc de la Ville Es Monières sur la route de Dinard au Guildo.([12])

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LES ATELIERS DE CHARITE

 

Une autre façon de soulager les corvoyeurs consiste à créer des ateliers de charité auxquels on emploie les pauvres, les mendiants, moyennant une petite retribution.Fin 1785 le Contrôleur Général des Finances accorde un secours de 100 000 Livres à la Province.Le Diocèse de Tréguier demande 10 000  Livres et s'inquiète de savoir si les travaux seront supervisés par l'Intendant ou la Commission Intermédiaire conformément aux nouvelles dispositions en vigueur depuis le début de l'année.([13]) Finalement il recevra seulement 8 000 Livres.D'autre part les commissaires souhaitent savoir si cette nouvelle dotation a également été prélevée comme la précédente (200 000 Livres)sur les fonds de la navigation intérieure votés par les Etats.L'an passé les Commissaires des Etats de Tréguier avait utilisé une partie de cette dotation à l'achat d' outils plus performants aux corvoyeurs.


LA SUPPRESSION DE LA CORVEE

 

La corvée va cristalliser le rejet de l'Ancien Régime, notamment pour certains philosophes des Lumières dont quelques-uns uns vont occuper des postes importants sous Louis XV et Louis XVI.Le Duc d'Aiguillon qui s'est efforcé d'en adoucir l'application écrit en 1787 que"La corvée est bien plus onéreuse dans la province de Bretagne que dans les autres, tant à cause de la dépopulation, de la dispersion des habitants, de leur éloignement des grandes routes et de la façon dont ils se nourrissent que de la mauvaise qualité des sols et des matériaux, de la rareté de ces derniers de la distance des lieux où l'on les trouve à ceux où l'on travaille, de l'intempérie du climat et surtout du nombre prodigieux de voitures énormes qui passent continuellement par les routes de Brest,Lorient,Nantes et Saint-Malo pour le service des armements."([14]).Si la corvée est ressentie si durement en Bretagne, et notamment pendant la présence du Duc d'Aiguillon, la raison tient essentiellement au formidable développement du réseau routier en un laps de temps très court.Turgot,Intendant  de la province du Limousin s'impliqua également dans le développement du réseau routier et prendra l'initiative d'y substituer la corvée en argent à la corvée en nature. En 1774, Louis XVI le nomme Contrôleur Général des Finances, l'un des postes les plus important du régime. Il va s'attacher à mettre en oeuvre ses idées novatrices dans le domaine de l'économie. Dès mai 1775, une circulaire ordonne aux Intendants de suspendre provisoirement la corvée.Il propose aux Etats de Bretagne de leur accorder l'administration des grands chemins en échange d'une suppression de la corvée.Les Etats rejettent cette proposition, inquiets d'une augmentation des impositions dont ils devraient supporter la charge.Condorcet supplie Turgot, dès sa nomination au Contrôle Général, de mettre fin à la corvée. Il devra revenir à la charge plusieurs fois en utilisant ses talents de pamphlétaire avant que l'ultime décision ne soit prise. Atteinte à la dignité de l'homme, exploitation des pauvres par les riches, les arguments ne manquaient pas.Turgot présente au roi en janvier 1776 un édit décidant que la corvée royale sera remplacée par une contribution acquittée par tous les propriétaires, à l'exception du clergé.Cette volonté réformatrice heurte de front les privilèges, mais suscite également des réticences des Ingénieurs des Ponts et Chaussées;Louis XVI renvoie Turgot en mai 1776.La corvée est rétablie quelques mois plus tard jusqu'à la veille de la Révolution (1786). Elle est remplacée par un système de prestations en nature libérables en argent.Cette suppression concerne exclusivement la construction des routes royales.Cependant en Bretagne la corvée sous son régime antérieur va perdurer jusqu'à la Révolution du fait que le pouvoir royal a attribué l'administration des grands chemins aux Etats, composés essentiellement de privilégiés qui ne souhaitent pas la remplacer par une imposition fiscale dont ils pourraient se trouver redevables.

Les cahiers de doléances rédigés en Bretagne lors des assemblées primaires qui se tiennent dans les paroisses du 29 mars au 6 avril 1789 sont particulièrement éloquents.Sur 173 cahiers retrouvés et conservés aux Archives,126 réclament la suppression de la corvée des grands chemins et 123 l'égale répartition des impôts([15]).Compte-tenu que toutes les paroisses n'étaient pas assujetties à la corvée(seules celles se trouvant à moins de deux lieues d'un grand chemin devaient fournir des corvoyeurs),cette proportion des deux tiers des paroisses rejetant la corvée représente en fait un vœu probablement unanime de la grande masse des paysans bretons.Ces doléances, paradoxalement, ne s'adressent pas au Roi, mais aux Etats de Bretagne qui se sont obstinés à  maintenir en vigueur la corvée et au Parlement de Bretagne qui n'enregistra point les édits qui auraient permis sa suppression en  1774,1776 et 1786 malgré les instances de Turgot et de Calonne.Le fait que les Etats de Bretagne soient devenus totalement maîtres de l'administration des Grands Chemins en 1785 a également influé sur cette persistance anachronique.([16])

Plusieurs documents font état d'un nombre de corvoyeurs de l'ordre de 225 000(17)pour la province de Bretagne,chiffre extrait d'un rapport de l'Ingénieur Chocat de Grandmaison datant de 1751,soit pour les Côtes du Nord environ 45 000 à 50 000 personnes(le Département est alors l'un des plus peuplés de l'ouest de la France et la Province inclut l'actuel département de la Loire-Atlantique)

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[1] Dans les faits la corvée est en vigueur en Bretagne depuis au moins le début des années 1730.Plusieurs documents analysés par J.Le Taconnoux l'atteste; Voir pour plus de détail ses articles consacrés à la corvée parus dans les Annales de Bretagne au début du siècle; cf. bibliographie

[2] En 1759 il est admis le principe d’appeler des paroisses jusqu'à deux lieues et demies; Dans ce cas la tâche est réduite d'un cinquième.

[3] Archives départementales des Côtes d'Armor(C109)

[4] Archives départementales des Côtes d'Armor(C96)

[5] Un exemplaire du Rôle de la capitation de la paroisse  de Pordic pour l'année 1786 est conservé aux Archives Départementales des Côtes d'Armor(cote C 103.)

[6] Archives départementales des Côtes d'Armor(C109)

[7] Archives départementales des Côtes d'Armor(C109)

[8] Archives départementales des Côtes d'Armor(C102)

[9] Archives départementales des Côtes d'Armor(C109)

[10] Archives départementales des Côtes d'Armor(C96)

[11] En 1756 il avait été envisagé de créer un fonds pour soulager la corvée destiné aux parties de routes sur lesquelles il n'y a aucune corvée, au paiement des corvoyeurs de harnois douze livres par an pour le transport de pierres et pour faire extraire les pierres à prix d'argent. Ce projet ne fut pas mis en application(ADCDA.C37)

[12] Archives départementales des Côtes d'Armor(C102)

[13] Archives départementales des Côtes d'Armor(C86)

[14] J.Letaconnoux; la corvée des grands chemins en Bretagne

[15] L'esprit public dans le Département des Côtes du Nord

[16] A titre de comparaison il n'est pas inutile de renvoyer à la situation du Languedoc, la deuxième province où existait réellement une liberté provinciale. Dans l'appendice à son célèbre livre», l'ancien régime et la Révolution", Alexis de Tocqueville montre comment les Etats du Languedoc avaient mené un politique plus éclairée, les travaux sont réalisés entièrement à prix d'argent, le budget annuel des grands chemins atteignant deux millions de livres par an vers 1780.Les trois corps constituant les Etats sont représentés chacun par vingt-trois membres et les délibérations ne s'effectuent pas par ordre mais par tête, anticipation de ce qui se passera en 1789...

17 J.Letaconnoux; la corvée des grands chemins en Bretagne

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