retour page d'accueil du site

 

Préface

 

 

Au nom du Comité Départemental de Libération des Côtes du Nord dont je suis le dernier représentant, je remercie Alain Lozac’h d’avoir pris l’initiative d’en écrire l’histoire. Je le remercie à un double titre, celui de membre de ce Comité dès la période clandestine, celui d’ancien responsable départemental de l’organisation de jeunes que j’y représentais, les F.U.J.P., trop souvent oubliées alors que les jeunes ont été le fer de lance de la Résistance.

Je connaissais déjà le premier ouvrage d’Alain Lozac’h «  Sur les Routes de Bretagne » également écrit à partir de documents d’archives. Les vicissitudes de ces routes et ponts, si souvent sillonnées, si souvent franchis, « la Résistance a beaucoup pédalé », les reproductions de documents originaux, de cartes postales anciennes, m’avaient vivement intéressé.

Aussi dès qu’il m’a entretenu de son projet et communiqué ses premiers travaux pour solliciter mon témoignage et ma coopération je lui ai immédiatement donné mon accord. Je trouve important et significatif, qu’à plus de cinquante ans de distance , ce soit un jeune historien de la génération d’après guerre qui rende cet hommage à notre C.D.L.

Les documents qu’il m’a abondamment communiqués, parfois avec un clin d’œil lorsque que je m’y trouve cité , m’ont replongé dans l’ ambiance de cette période exaltante, m’ont remis en mémoire des épisodes oubliés et m’ont beaucoup appris.

Son ouvrage qu’il a intitulé «  Visages de la Résistance Bretonne » restitue l’histoire de cette période cruciale de notre histoire nationale, la Libération, telle qu’elle a été vécue dans notre département, à travers l’action du Comité Départemental de la Libération, des organisations et des personnes qui le composaient dont il a établi les biographies.

Son étude est construite à partir de documents dont la collection des comptes-rendus  des réunions du C.D.L et de témoignages d’anciens résistants qui ont été des proches du C.D.L. Par sa richesse d’informations  elle apporte des réponses à la plupart des questions que l’on peut se poser sur la façon dont s’est déroulé ce passage de l’oppression idéologique, économique et militaire nazie, à la démocratie retrouvée.

 Elle permet d’imaginer, au delà de la difficulté à réunir et  établir le contact entre des résistants ( pour les quels le secret était la sécurité), les concessions consenties par des personnes appartenant à des courants de pensées différents et souvent divergents pour parvenir à l’unanimité sur un programme  commun d’action, face à l’ennemi pour le combattre, devant les alliés pour obtenir des armes et pour mettre en place après la Libération,  second volet de ce programme, l’administration du pays par les Comités Départementaux de la Libération.

L’insurrection de la Libération  devait conduire nos combattants à prendre leur part dans l’offensive contre les troupes allemandes. La libération de Saint-Brieuc par nos maquisards en est l’exemple cité dans le Grand Larousse Encyclopédique.

En ce qui concerne la mise en place de l’administration provisoire du département par les C.D.L , il n’est pas inutile de rappeler qu’ils étaient aussi les pions avancés par le Comité Français de Libération Nationale depuis Alger, avec l’accord du Conseil National de la Résistance, pour contrecarrer le projet  des Alliés de mettre la France libérée sous tutelle militaire américaine ( Plan AMGOT).

 Notre stratégie a été d’y faire échec en installant le C.D.L à la Préfecture dans la foulée des libérateurs, en l’occurrence nos propres maquisards. Le passage de l’occupation allemande à notre administration provisoire devait être réalisé, sans ratés, dans la continuité de fonctionnement des administrations, des forces de l’ordre et de la justice. C’est très exactement ce que fera le Gouvernement Provisoire de la République Française présidé par le Général de Gaulle dans Paris libéré par des Français. En plaçant les Alliés devant le fait accompli, la France reprenait en mains son destin. Tout paraissait alors facile, mais les séquelles de l’Occupation ont singulièrement compliqué la tâche.

Alain Lozac’h dans son analyse des documents nous fait toucher du doigt, sur des exemples précis, la multiplicité et la complexité  des problèmes auxquels le C.D.L. s’est trouvé confronté, tels canaliser la vindicte populaire contre les collaborateurs, la détérioration des conditions de vie causée par quatre années de mise en coupe réglée par l’occupant et aggravées par la dégradation collérative des notions d’intérêt général et de solidarité nationale.

 

 

 Heureusement , de la même façon que  François ( Jean Devienne), le chef du Front National, avait joué dans la clandestinité un rôle déterminant reconnu par les membres du C.D.L unanimes qui voulaient lui rendre hommage en le portant à la présidence du Comité lors de la nomination d’Henri Avril au poste de Préfet, Henri Avril s’est immédiatement imposé à la présidence du C.D.L. comme l’homme clé du département par qui passaient toutes les affaires, à qui tout le monde s’adressait, et ce, à un point tel qu’il a complètement effacé le préfet et qu’il a  tout naturellement été appelé à le remplacer. L’unité qu’il a su maintenir au sein du C.D.L s’est un temps prolongé par la constitution de listes communes de la Résistance aux premières élections mais il a  bien fallu se faire une raison. Il était de l’essence même de la démocratie que , celle-ci restaurée, chacun retrouve sa spécificité et puisse exprimer sa différence en toute liberté. De toute façon, le suffrage universel s’étant prononcé, les jours du C.D.L . étaient comptés. Leur amertume de se voir écartés sans ménagements, a concerné plus la forme qui a manqué d’élégance eu égard aux services rendus et aux risques encourus, que le fond.

Du moins notre C.D.L des Côtes du Nord a eu la chance de se perpétuer en quelque sorte par le glissement de son président au poste de préfet. Sa fidélité à son Comité et à ses anciens compagnons ne s’est jamais démentie. Il présidait toujours avec la même chaleureuse amitié nos retrouvailles annuelles. A la fin d’un de ces repas, par l’une de ses improvisations  émouvantes dont il avait le secret, il nous a exhortés à maintenir entre nous la fraternité de la Résistance et à témoigner du rôle joué par notre C.D.L. pour la reconquête des droits de l’homme et de la démocratie.

 Pour nous est-il besoin de la rappeler, la libération de la France ne devait être qu’un premier pas sur la voie de la promotion de la démocratie et du respect des droits de l’homme dans le monde. Un pas aussi vers l’éradication de la guerre source de toutes les misères et de toutes les atrocités. Celle de 1914-1918 n’avait pas été finalement  «  la der des der » en dépit de l’hécatombe et des souffrances endurées. Nous devons reconnaître qu’une fois encore notre expérience n’ a pas suffi et qu’il reste encore beaucoup à faire. Mais, cahin -caha, au prix d’erreurs, d’échecs, de rechutes, la marche de l’humanité vers plus d’humanité se poursuit. Qui aurait oser miser sur l’amitié franco-allemnde à la Libération ?

C’est pour cet idéal que tant de résistants et de combattants ont risqué et perdu la vie. Que Jean Métairie et l’abbé Eugène Fleury ,qui appartenaient au premier noyau des membres du C.D.L,  ont été sauvagement assassinés par les nazis.

 Pour nous anciens résistants, les noms gravés dans le granit dans monuments commémoratifs ont souvent des visages que nous n’oublierons jamais.  

          François Le Jean ( Bernard) 

Responsable départemental  dans la Résistance des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique ( F.U.J.P.) et membre du Comité Départemental de la Libération des Côtes du Nord .

 

  retour page d'accueil du site